Scellée par un pacte mutuelle d’assistance militaire, le 16 septembre 2023,  l’Alliance des États du Sahel (AES) continue sa mue accélérée. Originellement formée par le Niger, le Burkina-Faso et le Mali, l’organisation sahélienne devrait enregistrer l’entrée officielle d’autres pays selon des sources proches du dossier. 

Dans le détail, ce qui était au départ une organisation commune de lutte contre le terrorisme, s’est progressivement transformée,  en une organisation sous-régionale, politico-economique orientée vers un idéal souveriniste et anti-impérial prononcé. 

AES, contrepoids d’une Cedeao en perte de vitesse ?

L’AES qui est née d’ un contexte de vents de coups d’Etats en Afrique de l’Ouest, apparaît plus que jamais comme une organisation qui vient bousculer les lignes. D’abord suspendu pour violation des principes constitutionnels et institutionnels au sein de la Cedeao, le trio qui compose l’AES s’est vu comme seul alternative de se mettre ensemble pour tenir économiquement.

L’autre principal reproche fait à l’organisme mère, la Cedeao, est le trait “d’instrumentalisation”  à la France et aux Etats-Unis entre autres.

Tout cet état des choses a été exacerbé par le soutien tous azimuts des populations aux dirigeants auto-proclamés de l’AES. Car, il faut le rappeler, la Cedeao a longtemps été perçue dans l’opinion publique ouest-africaine comme une association de chefs d’Etats, combinant élitisme et clientélisme; un groupe de dirigeants qui restent loin des aspirations réelles du peuple.

Cet éclatement de la Cedeao vient ainsi reposer les questions fondamentales du respect des règles internes de droit national et de la vitalité de l’organisation communautaire à pouvoir sanctionner les Etats en tort.

Toutefois, dans la zone ouest-africaine où les économies sont interdépendantes, les pays de l’AES se sont gardés de couper tous les liens. Ainsi selon le communiqué officielle, l’AES réaffirme la « ferme volonté » des trois chefs d’Etat « de renforcer, dans un esprit panafricain, les mécanismes visant à faciliter la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace ouest-africain » ; une façon de réaffirmer que les pays de l’AES ne quittent pas l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), en dépit de leurs promesses récurrentes de sortir du franc CFA à moyen terme.

Cedeao, victime de la Bipolarisation du monde

L’organisation ouest-africaine qui se rapproche de son cinquantenaire (créé en 1975), semble selon plusieurs experts, être victime de la guerre géopolitique entre le bloc de l’Est et l’occident. Les Etats de l’AES ayant pour premier partenaire la Russie, offrent ainsi à l’ex Union-Soviétique une base ouverte à l’ouest du continent africain. 

Ce rapprochement avec Moscou a, dans le même temps, fait fermer les bases américaines et françaises dans les pays de l’AES. Dans le même contexte, en juillet dernier, un affrontement entre les Forces Armées Maliennes (FAMA) et les rebelles, s’est transformé en un conflit entre l’AFrica Corps(ex-Wagner) et une unité ukrainienne d’appui. Une situation qui a entraîné la rupture des relations diplomatiques entre le Mali et l’Ukraine.

Du reste, il est clair que la Russie dispose aujourd’hui avec l’AES, d’un espace de contrôle assez important. Avec l’expansion annoncée, cette position russe va se renforcer tout en faisant courir un risque d’éclatement général à la sous-région. 

A un autre niveau, cet état des choses concorde avec la récente expansion des BRICS, qui a vu cette semaine le Nigéria, (avec la sixième population du monde, et la plus grande d’Afrique) , devenir le neuvième pays partenaire de ce bloc, contrepoids du G7. 

En rappel, la Cedeao était jusqu’alors la seule organisation sous-régionale reconnue internationalement comme étant en mesure d’intervenir rapidement et efficacement dans les enjeux de la région, et cette situation risque de mener à une perte de cette reconnaissance, selon plusieurs experts.

Michel Glory Samuel TAKPAH, Journaliste togolais